Depuis octobre dernier, je me suis lancée dans une expérience incroyable ! Celle de créer un jeu. Oui c’est vrai que j’en ai déjà créé des jeux mais là c’est différent car nous le faisons en équipe et surtout ce ne sera pas simplement une activité ludique ou un jeu de piste comme j’avais l’habitude mais un jeu de plateau ! Oui un vrai jeu de société, de A à Z avec des petits pions, des petites figurines… tout ça !
Et j’avoue que c’est quand même assez incroyable comme expérience et assez complexe. Alors je me suis dit que j’allais partager mes retours et comment je vis cette nouvelle création. Surtout que là je suis en plein dedans donc sans encore savoir comment ça va se terminer.
Avec mon équipe, nous sommes rendus aux tests de notre prototype donc c’est déjà une bonne étape bien franchie. Mais derrière il y a eu pas mal de travail. Et aujourd’hui c’est toutes ces étapes de l’idée jusqu’au prototype que je vais vous raconter. Evidemment je vous raconterai les autres au fur et à mesure !
1/ Trouver une équipe pour créer un jeu
Trouver ses partenaires
Avant même de commencer à créer quoi que ce soit et à réfléchir à quoi que ce soit, la première chose que j’ai faite c’est de trouver les gens avec qui j’allais bosser sur ce projet.
Evidemment, j’aurais pu bosser toute seule. Mais pour mon premier projet de jeu de société je voulais travailler en équipe car je trouvais cela vraiment intéressant de s’aider les uns les autres dans la réflexion et d’additionner nos compétences.
C’est vrai que je ne partais pas de rien car je suivais une formation sur le jeu. Donc c’était plutôt facile de trouver des coéquipiers. Avec plus ou moins d’expérience dans le domaine. Nous sommes donc trois. L’un, que je nommerai Mario et l’autre Luigi, et puis moi.
Mario est game designer mais dans le numérique et pour des jeux pédagogiques. Luigi est un grand fana dingue des jeux de société. Et moi et bien je suis une grande fan aussi, j’ai créé quelques jeux culturels en tous genres et j’ai aussi une expérience de graphisme. Mais pour tous les trois, c’était notre première expérience de création de jeu de société de A à Z.
Toutes ces compétences sont utiles mais en réalité elles nous ont autant servis que freinés.
Pour créer un jeu, il n’y a pas besoin de compétences particulières. Un peu de méthode, des ciseaux et des crayons font très bien l’affaire.
Pour trouver des coéquipiers, il faut avoir quelques affinités en commun, dont le jeu, … c’est mieux. Mais aussi à propos de thématiques. Nous, nous aimions bien l’univers fantasy et le côté narratif des jeux. C’est ce qui nous a décidé à nous mettre ensemble.
Connaître ses coéquipiers
Ça c’est le plus important en fait. Parce que dans notre cas, nous ne nous connaissions pas du tout et donc nos méthodes de travail non plus. Alors ça a été une vraie catastrophe au début. Luigi n’habitait pas dans la même région que Mario et moi donc pour se voir c’était compliqué. Mario pensait que se voir n’était pas indispensable mais moi pour travailler j’ai besoin de me mettre autour d’une table avec les gens.
En fait, créer un jeu en groupe c’est super pour renforcer les idées, mais si je ne connais pas les méthodes de travail des autres, moi je deviens vite dingue. Car il faut s’adapter, être tolérant, maintenir la cohésion de groupe. Et comme nous sommes tous les trois au même niveau (pas de responsable de projet) c’est assez complexe.
Heureusement personne ne s’est engueulé. Un miracle car nous étions vraiment très différents sur le plan du travail. Par contre ça a beaucoup freiné notre projet. Ça fait presque 4 mois que nous travaillons dessus et franchement ça aurait pu être bien plus rapide.
Donc mon meilleur conseil ce serait, avant de choisir des gens pour votre projet, de savoir leurs méthodes de travail : est-ce qu’ils travaillent rigoureusement ? Ou de façon plus détendue ? Est-ce qu’ils communiquent bien dès qu’il y a un problème ? Ou est-ce qu’ils gardent tout pour eux et restent discrets ? Est-ce qu’ils travaillent régulièrement, ou au dernier moment ? Tout ça c’est important sinon le groupe part en cacahuète. Surtout si le projet n’est pas imposé par un boss ou autre et qu’il vient de votre propre initiative.
Créer son jeu tout seul ?
Oui aussi. Honnêtement dans notre cas ça aurait été plus simple. Car avec les épisodes de grève des transports ça a été vraiment compliqué d’avancer sur le projet. Et puis l’avantage d’être tout seul c’est que les décisions se prennent plus vite.
Par contre en cas de blocage alors là ça traine. C’est pour ça que j’ai préféré travailler avec un groupe au départ. Mais je pense que cela ne me dérangerait pas de travailler toute seule.
2/ Trouver une idée
L’étape la plus fun ! Parce que si j’ai l’idée de créer un jeu c’est que forcément derrière j’ai un truc derrière la tête. Je pars pas de rien. C’est vraiment l’étape où toutes les idées sont possibles ! Où plutôt qu’on s’imagine que tout est possible. Et plus les idées émergent, plus elles sont submergées par d’autres encore plus cools !
Avoir une idée générale
Pour notre groupe, nous avions déjà l’idée de faire un jeu narratif. C’est un genre de jeu où ce qui prime c’est la prise de parole pour créer une histoire, un personnage, un univers.
Mais nous voulions aller encore plus loin dans le genre et utiliser la narration émergente : ce sont les joueurs qui font le scénario et non le jeu. Le jeu est uniquement là pour les aider à faire émerger ce scénario. Et puis nous voulions partir dans de l’exploration d’univers.
Et donc nous sommes partis de ces deux idées. Notre idée générale c’était un jeu narratif pour explorer le monde de la fantasy.
Pas une mais des idées
En fait pour être correcte, ce n’est pas une idée qui est trouvée mais plein ! C’est le moment où il faut vraiment se laisser aller à son imagination et se dire que tout est possible.
Pour notre groupe, nous voulions aborder un univers spécifique, une thématique, mettre des personnages particuliers. Nous avions des objectifs aussi dans la tête, notamment sur les émotions que devaient ressentir les joueurs, etc.
C’est le moment où nous avions plein d’envies pour ce projet. Chacun est venu avec quelque chose derrière la tête. C’est le plus facile. C’est l’étape d’après qui casse tous les rêves.
3/ Brainstormer
Voilà. C’est l’étape qui a été particulièrement difficile à réaliser pour nous. Mais c’est la première vraie étape du projet en fait. C’est là que toutes les idées volent en l’air. Qu’elles éclatent. Une des premières leçons quand on veut créer un jeu, c’est qu’il ne faut surtout pas s’attacher. Beaucoup de projets finiront en boules de papier à la poubelle. Et ça commence dès qu’on met ses idées en commun.
Pourquoi brainstormer ?
Brainstormer c’est une étape importante car elle permet de mettre à plat ses idées. Dans la discussion avec les autres membres du projet, celui-ci évolue. Une première personne expose une idée, puis avec la réflexion et l’avis des autres, cette idée évolue et si la discussion est riche, cette idée ne sera plus la même qu’au départ mais avec la collaboration de chacun elle sera devenue plus intéressante.
Pour aboutir cette étape il est donc important de se retrouver physiquement. Et de passer un peu de temps à discuter de toutes ses idées.
Pour nous ça a été compliqué parce que nous ne venions pas du même monde professionnel. Donc nous n’avions pas les mêmes idées de ce que devait être ou pas un jeu. Et puis en plus, l’actualité des transports ne nous a pas facilité le travail. Personnellement je déteste brainstormer par Skype.
Il est possible de brainstormer tout seul mais il faut avoir du temps devant soi et fournir un effort beaucoup plus important car tout seul, rien ne nous motive à surpasser les idées. Pour éviter l’effet des œillères il peut être intéressant de demander l’avis d’autres personnes extérieures au projet.
Comment brainstormer pour créer un jeu ?
Tout le monde a déjà brainstormé. Participer à une réunion c’est déjà du brainstorming (à condition que ce ne soit pas seulement un supérieur qui vous donne l’emploi du temps de la semaine sans retour de votre part).
Mais pour créer un jeu, il faut absolument brainstormer avec des crayons, des ciseaux et du papier. La parole n’est clairement pas l’outil principal du créateur de jeu. Il va falloir mettre les mains dedans. Et le plus rapidement possible. En fait… dès le départ.
Concrètement comment nous avons fait ?
Nous nous sommes assis autour d’une table dans un endroit où il y avait plein de jeux. Chacun avec des idées et des paillettes dans la tête. Luigi commence à parler. Il a imaginé un monde médiéval avec des personnages et des monstres. Dans ce monde, les joueurs utilisent des cartes couleurs comme le jeu Dixit. Là-dessus Luigi nous montre un schéma des cartes personnages qu’il a fait à la main, et il se lève pour aller chercher le jeu Dixit. Nous prenons les cartes en main. Luigi me dit que mon personnage fait la rencontre d’un monstre et que je dois utiliser un type de cartes précis pour le battre.
Là-dessus c’est au tour de Mario de montrer à quoi il pense. Il aimerait plus de narration de la part du joueur. Il prend une feuille et dessine un plateau (très moche à cette étape évidemment) et commence à découper des bouts de papier pendant qu’il nous explique son idée.
C’est comme ça que ça fonctionne. Pour résumer : il faut expliquer une idée en la jouant. J’ai une idée, je prends une feuille et un crayon et je montre de quoi je parle. Ça permet pour les autres de comprendre tout de suite de quoi je parle et de voir tout de suite ce qui ne fonctionne pas.
Une longue étape
Et oui ! Elle nous a pris plusieurs mois. Après nous nous voyons très peu. Une fois toutes les deux semaines. Mais il a fallu plusieurs séances de brainstorming et plusieurs jets de papier vers la poubelle.
L’objectif ? Trouver une idée de base intéressante parmi nos discussions. Se mettre d’accord en fait. A la fin de cette étape, nous savions le genre de jeu que nous voulions créer, mais aussi la cible que nous voulions atteindre, le temps de jeu, la thématique principale, le nombre de joueurs, et une idée assez globale des règles. Même si nous n’étions pas encore sûrs si elles étaient tout à fait jouables.
4/ Rédiger son projet de jeu
C’est le premier moment depuis le début où nous avons concrétisé notre idée par la rédaction. C’est ce qui s’appelle une note d’intention. Ou le cahier des charges. C’est le document qui récapitule ce sur quoi nous sommes tombés d’accord, donc le projet de groupe, et le cadre global du jeu. Donc en fait les points qui nous semblent intéressants de respecter pendant toute la création du jeu.
Cadrer le projet de jeu
Ce document est important car il permet pour la suite de ne pas s’éparpiller et de garder une ligne directrice pour le projet. Toute idée qui ne rentre pas dedans est systématiquement rejetée. Le projet final doit très peu différer de cette note d’intention. Sinon vous serez encore en train de créer votre jeu pendant les 30 prochaines années !
Evidemment tout le monde ne fait pas les choses de la même manière. Mais je pense que si on a un projet avec des objectifs assez précis dont on ne veut pas qu’ils changent alors il vaut mieux rédiger cette note d’intention. Car elle va permettre à toutes les étapes de cadrer le projet, et de rectifier si besoin. Car cette note d’intention répond aux objectifs que vous vous êtes fixés.
Ces objectifs ça peut être beaucoup de choses. En tant que médiatrice, ça peut être faire découvrir une thématique. En tant que professeur, ça peut être aborder telle notion. Ou bien vérifier l’état des connaissances des élèves. Etc. Voici des idées d’objectifs possibles. Dans notre groupe, nous n’avions pas d’objectifs pédagogiques. Nos objectifs étaient purement ludiques et ce que nous voulions absolument, c’est que le joueur puisse expérimenter la narration, incarner un personnage, créer une histoire.
Le contenu de la note d’intention
Dans notre note d’intention nous avons donc précisé ces éléments :
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Le public ciblé : l’âge des joueurs. Pour un jeu narratif, nous préférions cibler des joueurs qui ne sont plus des enfants.
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Le temps de jeu. L’expérience de narration devait être intéressante mais pas trop longue
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Le nombre de joueurs. Pas assez et il ne se passe rien, trop et le jeu est incompréhensible
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La thématique abordée. Nous étions d’accord pour la fantasy avec des personnages pas du tout réels et assez imaginés pour laisser aux joueurs le travail de la narration des rencontres
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Le scénario et la fin du jeu. Nous n’en avions pas vraiment
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Le but du jeu. Pour un jeu narratif le but du jeu était encore trop flou pour nous
Tous ces éléments devraient figurer dans la note d’intention. Pour notre groupe, le scénario et la fin du jeu ainsi que le but du jeu n’étaient pas du tout clairs du fait que ce genre de jeu est particulier. Nous nous sommes laissés plus de temps pour comprendre comment remplir ces parties.
5/ Prototyper
Une fois que la note d’intention est faite alors il ne reste plus qu’à prototyper. Pourquoi ? Mais pour tester le jeu ! Sinon comment savoir qu’il est jouable ? Il va falloir jouer pour le savoir. Et BEAUCOUP jouer…
Ça ressemble à quoi un prototype de jeu ?
C’est moche.
Pour prototyper c’est facile. Il suffit de construire tous les éléments nécessaires au jeu. Les cartes, les pions, les dés, le plateau, … Mais pas dans des beaux matériaux. Clairement une imprimante suffira. Si c’est trop complexe, dessiner au crayon est largement suffisant. Mais le prototype doit être lisible.
Nous avons commencé par écrire toutes nos cartes dans un fichier puis nous l’avons imprimé sur des feuilles et découpé. Nous avons fait la même chose pour les tuiles de notre plateau qui ne comportaient que des phrases et pas de dessins à cette étape.
Nous avons aussi fait des fiches personnages pour les joueurs. Encore dans un fichier avec une image prise sur Internet histoire de faire joli. A cette étape les droits d’auteur ce n’est pas très grave. Puisque le jeu n’est pas public.
Pour les pions ou autres jetons de jeu, récupérer dans d’autres boîtes de jeu est suffisant. Pour les dés c’est pareil.
Evidemment il faudra plusieurs essais. Car même en commençant à prototyper, on se rend compte que des choses ne marchent pas et qu’il faut les modifier. Encore une fois, la poubelle se remplit à vue d’œil. Mais c’est pas grave.
Et voilà ! Le prototype est prêt à être joué. L’étape suivante ce sont les tests. Nous en sommes là. Je vous raconterai comment faire des tests dans la suite de cet article le mois prochain.
Si vous avez déjà eu un projet de jeu, faites-moi part de vos conseils, des difficultés rencontrées, de tout ce qu’il ne faut pas oublier Nous sommes preneurs de tout !
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